IwaAmondo-Sama Yune
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| Sujet: Princesse Mononoke Mer 9 Mar - 17:05 | |
| もののけ姫 Mononoke Hime (Princesse Mononoke) Genre : Aventure, Fantastique, Mythe Auteur & réalisateur : Hayao Miyazaki Durée : 2h15 (le plus long du studio Ghibli) Studio : Ghibli Musique : Joe Hisaishi Année : 1997 Récompenses : Award of the Japanese Academy du meilleur film en 1998 ; Prix des lecteurs du meilleur film aux Kinema Junpo Awards en 1998 ; Prix du film Mainichi du meilleur film d'animation et prix des lecteurs en 1998. Japon, ère Muromashi, XVème siècle. Ashitaka est un jeune homme destiné à devenir chef du clan Emishi, banni par l'empereur cinq siècles plus tôt. Un jour, alors qu'il combat un sanglier possédé par un esprit démoniaque menaçant son village, Ashitaka est touché au bras par la bête maudite. Bien qu'il le vainc, il voit son bras droit touché orné d'une marque maléfique qui peu à peu s'étend, de même que le maléfice qu'elle représente. Il est alors contraint de quitter son village pour se rendre à l'ouest, où se passent des événements étranges, dans l'espoir de trouver un remède au mal qui le ronge. Contre toute attente, il se retrouve mêlé à une guerre entre les hommes et la nature, avec d'un côté Dame Eboshi, une exploitante de minerai de fer qui détruit la forêt pour son commerce, et de l'autre San, une jeune fille élevée par des loups et protectrice de la forêt…Je veux porter sur le monde un regard sans haine, c'est tout.Jeune prince Emishi, Ashitaka se voit infliger une blessure qui le condamne à mourir lentement… Il a une forte valeur symbolique : en effet, il est l'incarnation de la pureté. Il représente le bon côté de l'âme humaine et il est le digne émissaire des valeurs morales les plus nobles comme le courage, la compassion, la patience. Mais contaminé par le mal, un mal provoqué par les hommes, il est contraint de quitter son foyer. Son premier contact avec le monde extérieur sera une bataille dans une campagne, où il devra tuera pour sauver sa vie. Il sera lui aussi dès lors atteint par le mal, comme tout les autres hommes qu'il rencontrera. Sa pureté, il la perd au contact des hommes, mais il va lutter sans relâche pour se sortir de cet engrenage, lutter contre lui-même, contre le mal provoqué par le contact indirect des hommes. Mais ce mal est plus fort que lui, il est irrésistible. Miyazaki nous montre là une fois de plus toute la méchanceté de l'âme humaine qui vise à condamner tout ce qu'ils touchent, même Ashitaka, symbole de pureté n'y résistera pas.On remarque au cours du film, qu'il ne choisi jamais un des camps qui s'affrontent, mais il est plus qu'un simple spectateur, il est comme l'âme humaine, hésitant à faire la mal, éprouvant des remords.
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Mais à la scène finale, scène clef du film, il va rejoindre celle qu'il aime et se ranger contre les hommes ; il sera ainsi libéré du mal qui le ronge. Le message… l'amour contre le mal? En japonais Ashitaka signifie "celui qui fait le lendemain".
On ne peut parler d’Ashitaka sans parler de sa monture, Yakuru. Cet animal est un mélange de bouquetin (pour les cornes) et de cerf à poils longs (pour le corps). L’espèce (yakkle) a été inventée par Miyazaki pour l’occasion, mais le travail au niveau du mouvement est très réaliste par rapport à celui d'un cerf. Yakuru est un symbole très fort dans le film : il est la preuve que les humains et les animaux peuvent coexister sans problème. Tout au long du film, on constate la forte complicité qui lie les deux compagnons : ils se comprennent d’un signe, voire d’un regard ; Yakuru, même blessé, veut continuer à suivre Ashitaka. De même, on voit Ashitaka manger la même nourriture que la bête, et chercher à le protéger malgré lui. Il est l’exemple même de l'idéal voulu par Ashitaka.
Je ne suis pas humaine ! Je suis une louve ! D'une personnalité enflammée et entière, San ne fait pas de compromis. C'est une idéaliste, encore plus que Dame Eboshi ! San souffre d'un conflit intérieur que sa rencontre avec Ashitaka va révéler. Rejetée par ses parents alors qu'elle n'était qu'un bébé, elle a été élevée par Moro, la Déesse-louve. Celle-ci lui a appris à survivre dans la forêt, à se battre contre les humains et surtout à défendre son territoire, avec la férocité d'une vraie louve. San a donc grandi en rejetant sa propre humanité, refoulant au fond d'elle les émotions et les désirs humains qu'elle pouvait ressentir. Certains habitants de la forêt la considèrent toujours comme une humaine et donc comme une traîtresse potentielle. De leur côté, les humains la considèrent comme un monstre de la forêt qu'ils appellent Mononoke Hime et par conséquent n'ont pas de remords à lui tirer dessus quand l’occasion se présente. Prête à donner sa vie pour son idéal, elle reçoit le plus grand choc de sa vie quand Ashitaka, mourant, lui dit qu'il la trouve jolie. C'est la première fois dans l'existence de la jeune fille qu'un humain risque sa vie pour elle. Confrontée aux orangs-outangs qui veulent le dévorer, elle ne peut se résoudre à l'abandonner. Ainsi, petit à petit San va laisser resurgir son humanité. Mais cela ne va pas pour autant la faire renoncer à son idéal. Entre amour et sauvagerie San nous met devant un dilemme : nous ne pouvons qu'admirer son dévouement envers Moro, sa foi en son idéal. Nous ne pouvons qu'être émus de l'attention qu'elle porte à Ashitaka et de la sensibilité qu'elle montre à cette occasion. Mais San est une guerrière, et elle ne peut pardonner aussi facilement aux humains…
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Néanmoins, lorsque Ashitaka, encore affaibli par sa blessure, est incapable de se nourrir, elle va mâcher sa nourriture et le nourrir de bouche à bouche… Cette scène est tellement émouvante et forte ! L'une des plus belle du film. Mononoke Hime signifie "princesse des esprits vengeurs" en japonais.
San a également deux frères ; en fait, ce sont les petits de Moro (enfin, petits…) et elle se considère comme leur soeur. C’est elle qui les guide lors des attaques, et du coup on a l’impression qu’elle est plus la maîtresse que la sœur...
Rappelez-vous, ne faites jamais confiance aux hommes. Dame Eboshi est la maîtresse des forges. Ancienne aristocrate à la cour de l’empereur, elle a été écartée et a décidé de fonder une communauté dans une région abandonnée. C’est elle qui a créé les forges et qui a commencé à déboiser la forêt sur les terres d’un seigneur qui, avant la prospérité, ne s'y intéressait pas. C'est un personnage assez ambiguë ; belliqueuse, prête a tout pour réussir, elle est déterminée à raser la forêt et à tuer tous ses habitants… Mais en même temps, elle a créé un village où règne la tolérance, elle a racheté des prostituées pour leur donner du travail et leur apprendre à se battre, a sorti de nombreux hommes de la misère et a recueilli des lépreux qu'elle soigne elle-même… C'est cette ambiguïté qui fait toute la force du personnage. Tout en étant l’ennemie de la nature et de San, elle reste un personnage que l’on respecte pour ses bonnes œuvres. Cependant, influencée par l'empereur et ses hommes, elle incarne l'homme dans sa société, obéissant fidèlement aux ordres donnés sans se poser de questions sur la légitimité de ses actions. Elle est l'ambition humaine, elle fabrique des armes, objets de mort par excellence, pour faire tomber la forêt, dernier rempart à l'obtention du minerai, objet de ses convoitises. Tel un enfant, elle va tout casser sur son chemin, laissant derrière elle une odeur de mort pour assouvir ses envies.Dans un sens elle incarne l'ambition et l'obéissance (elle va tout de même refuser de sauver son fort, pour obéir aux ordre !) mais d'un autre côté, elle montre de par sa compassion envers les lépreux et les femmes, qui eux symbolisent les rejetés et les faibles, que personne n'est vraiment maléfique.
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A la fin, lorsqu'elle aura tout perdu, elle s'aperçevra de son erreur et décidera de repartir à zero. Une erreur qui lui aura couté un bras ! Eboshi est le casque porté par les nobles à la cour, ici le nom rappelle la fierté du personnage.
Ce film est sans conteste un véritable chef-d'oeuvre. Les dessins sont agréables, sans prétentions, mais délicats et sont plus dans l'optique de représenter la personnalité du personnage qu'un dessin précis, voire parfait ; après tout rien n'est parfait… La bande-son est magnifique (normal, c'est un Miyazaki), et chaque musique renforce le message des images, toutes plus belles les unes que les autres, certaines très émouvantes serrent le coeur… C'est un conte, presque de la poésie, et surtout un film truffé de messages…
On retrouve de grandes influences de la religion shinto : les animaux sont élevés au rang de dieux, et la nature est prépondérante, la forêt est crainte par les hommes. Il y a aussi l'existence des démons, représentés ici par des vers noirs grouillants (en fait, Miyazaki a l'impression que de telles créatures vont jaillir de son corps quand il est énervé !)
* Evidemment en premier plan, il ya le respect de la nature : c'est elle qui nous a donné vie, et pourtant nous n'avons aucun scrupule à la détruire… Il ne faudra pas s'étonner si ça nous retombe dessus. Ce film n'est pas un cliché militant écologiste ; il fait passer son message tout en finesse, presque poétiquement… Il y a du coup la défense des animaux : leur protection, mais aussi le fait qu'il ne sont pas que des bêtes… Mais des êtres à part entière. L'image forte est sans doute la tribu des Sylvains, petits êtres naïfs et innocents peuplant la forêt, et qui meurent avec elle… Le plus beau est sans doute la toute dernière image du film, avec ce petit Sylvain qui renaît… Miyazaki veut surtout nous faire comprendre qu'il existe un équilibre entre urbanisation et la préservation de la nature ; message perpétré par Ashitaka, que les Hommes et les Animaux peuvent cohabiter. * Il est aussi question de tolérance, avec ce village des forges qui réuni toutes ces personnes rejetées par la société, mais qui cohabitent sans préjugés. Les samouraïs deviennent des pillards, et l'empereur a exilé le peuple des Emishi, que je reste du Japon croit mort… * L'homme ne sait pas se contrôler, il est cruel (Emishi exclus, animaux tués et forêt détruite sans remords)… Ashitaka va peut à peu découvrir cette folie humaine, contre laquelle il faut lutter. Malheureusement, ce mal n'est pas éradicable… * Dans "Princesse Mononoke", il n'y a pas de véritables méchants (dans les autres Ghiblis non plus d'ailleurs). C'est une vision assez réaliste de l'humanité qui ne connaît que quelques grands méchants (des fous !). Les personnages essayent simplement de vivre ou de survivre. Un homme est en fait composé de haine et de compassion qui s'exprime tour à tour plus ou moins longtemps. Il en est de même pour les animaux dans ce film. En réalité chaque personnage à un démon caché en lui. Le personnage typique est en fait Ashitaka car chez lui ce passage entre haine et compassion est très net du fait de sa malédiction. Chaque fois qu'il laissera la haine et la colère l'envahir la tâche pourpre grandira, le rapprochant peu à peu de la mort… La folie chez Ashitaka est représentée par le caractère incontrôlable de son bras lorsqu'il est empli de colère. Chacun des protagonistes principaux va montrer sa part de haine et de compassion. Eboshi qui semble voué une haine farouche envers San et la forêt, a recueilli une population dont personne ne voulait. San hait les humains mais va finalement veiller su Ashitaka, jusqu'à ce qu'il aille mieux. Le sage Ottoko va devenir un Tatari Gami "dieu de haine et de fureur". Même le dieu-cerf n'échappe pas à cette règle. Il parait plein de bonté avec son calme et son air sympathique, il gère paisiblement la vie et la mort dans la forêt. Pourtant lorsqu'il aura perdu sa tête, je pense qu'il laisse lui aussi la haine l'envahir et se met à détruire toute forme de vie. Ce film parle aussi un peu de l'importance et du sens de la vie. C'est Ashitaka qui montrent l'importance de la vie, pour lui chaque vie est importante, tout le monde à droit à la vie. Il regrette chaque fois qu'il a du livrer bataille.
* Un passage fort est également, vers la fin, quand Ashitaka retrouve les hommes des forges partis au combat, avec les samouraïs de Jigo. Alors que les villageois veulent repartir défendre les forges et leurs femmes, le samouraï leur interdit. Aussi quand Ashitaka voudra sauver le jeune loup, ce même samouraï essaiera de le tuer… Mais les hommes des forges ne se laissent pas faire. Ils assomment les oppresseur et vont au secours d'Ashitaka : cela révèle une lutte contre l'oppression ainsi qu'un effort de tolérance, il faut pardonner au loup, même s'il a été ennemi par le passé. * Enfin, il y a cet amour entre Ashitaka et San, entre l'homme et la nature, qui est bien plus compliqué qu'il n'en a l'air. Cet amour est-il impossible ? Ou est-ce qu'un jour les deux seront-ils conciliables ? A chacun de se faire une opinion…
Vous l'aurez compris, ce film a vraiment été un coup de coeur pour moi, bien plus même qu'un simple film. Tout est tellement vrai, tellement émouvant… un magnifique film empli de cette triste vérité, de la réelle nature de l'homme qui le pousse à la destruction de tout ce qui l'entoure. On ne peut que ressentir la douleur d'Ashitaka, mélée à son innocence et à sa mélancolie. On accompagne San, Princesse des loups, "ni humaine, ni louve" qui, au travers de la quête d'Ashitaka, se demandera simplement ce qu'elle est. Et qui peut vraiment condamner Dame Eboshi ! Chacun d'entre nous se retrouve un peu dans chaque protagoniste. Nous ne pouvons que nous emouvoir du destin tragique de chacuns d'entre eux (n'a-t-on jamais vu les personnages de Miyazaki si adultes ...) Le thème de la nature, toujours redondant chez Miyazaki, est abordé d'une toute autre manière dans ce film. En effet, sa vision, toujours poétique, est beaucoup plus noire. La nature n'hésite pas à tout sacrifier plutot que de se faire exploiter par la société de l'homme. Contrairement à Laputa, ou à Nausicaä, la nature ne reprend pas ses droits. La Forêt du Shishigami, à l'image des Kodamas, disparaîtra progressivement. Mais la Nature donnera un dernière chance à l'Homme, maintenant seul maître de son destin. On sent dans ce film que Miyazaki s'est reculé dans ses derniers retranchements. On se retrouve face à "cet ultime cri du coeur", Mononoke Hime.
Pour moi, ça vaut bien un petit 19/20, sans exagération | |
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